PRESSE  2

 

Elle aime raconter des histoires

LE PORTRAIT


FABIENNE DEFRANCE

L'histoire veut que le premier de Miomandre fut un troubadour. Ce qui m'intéresse assez, je l'avoue. L'art et l'amour de la langue seraient donc héréditaires ? Toujours une histoire au coin des lèvres et des milliers d'autres dans la tête, la conteuse Véronique de Miomandre en est la confirmation vivante. Pourtant, ce don qui l'habite, Véronique a bien failli passer à côté sans s'en rendre compte.

Née à Uccle en 1965 sous le signe des Gémeaux, la jeune Véronique vécut une enfance rêveuse. Petite, je ne faisais que lire. Je n'avais pas beaucoup d'amis mais mes héros étaient plus que ça. Mes profs me disaient : « Mais que va-t-on faire avec toi, tu es toujours dans la lune ! ». Aujourd'hui, j'aimerais les revoir pour qu'ils voient que le rêve, c'est devenu mon métier.

Au lycée du Berlaymont où elle effectue ses études secondaires, ils sont plusieurs professeurs à remarquer le talent d'écriture et d'imagination de la jeune fille. Ils l'encouragent à persévérer. Mais ses parents l'emmènent alors vivre à Paris. Je ne me suis pas du tout plue là-bas. Je suis revenue seule à Bruxelles. J'avais alors le choix : soit je redoublais une année, soit je passais le jury central. J'ai opté pour la deuxième solution. Comme le jury est très penché sur les sciences, j'ai changé de centres d'intérêt. J'ai adoré les étudier.

Résultat : Véronique entame des études d'ingénieur commercial à l'ULB. J'adore la diversité, sourit-elle, ça doit être mon côté gémeaux. Et avec ces études, j'ai été servie. Elle devient auditeur interne dans une grosse compagnie d'assurances. Elle finit même par diriger le service d'audit. Je montais les échelons de la carrière type de la femme d'affaires.

Jusqu'au jour où tout bascule : Véronique tombe malade. J'ai été atteinte d'une maladie très rare. J'étais comme paralysée. Je me suis dit alors que mon corps me disait que quelque chose n'allait pas. Pour ce boulot, il faut être très dur. L'audit interne, c'est un peu l'œil de Moscou. Je me suis rendu compte que ce n'était pas ma voie. C'est mon côté humain qui me le disait. Je suis quelqu'un qui adore le contact des autres. Là, le contact était bon mais il devait obligatoirement se concrétiser par un rapport. Cela n'allait pas.

Rétablie, la jeune femme s'inscrit à un cours de déclamation. Elle récite d'abord les mots des autres. Jusqu'à la révélation. Un jour, je me suis retrouvée devant une salle de 500 personnes, raconte-t-elle, des étoiles plein les yeux. Je les sentais bouger, frémir à chaque mot que je disais. Ce fut une découverte. je savais que j'aimais parler en public, faire passer des sentiments et des émotions, mais que le public réagisse, alors là, c'était fabuleux !

C'était il y a six ans. Depuis, Véronique de Miomandre dit ses mots à elle aussi. Le plus souvent sous la forme d'un conte. Le conte, cela fait rêver. Et ce qui fait rêver dans le conte, c'est que l'on ne comprend pas tout. Ce que l'histoire nous dit, cela ne regarde personne. Tout l'art du conteur réside dans le fait qu'il doit dire, mais pas trop, pour que les gens puissent imaginer. Pour bien raconter un conte, il faut le visiter comme on visite une vieille maison. Il faut visualiser les lieux, les personnages, l'action. Alors les gens voient aussi. Peut-être pas la même chose, mais cela n'a pas d'importance.

De sa « première vie », la conteuse ne regrette rien. Sauf peut-être les voyages. Mais je me dis que je peux y arriver aussi avec le conte, se rassure-t-elle. Je participe déjà à des festivals à l'étranger. Depuis six ans, je réalise mon rêve. C'est une occupation permanente, une passion. J'ai l'impression qu'une partie de moi qui s'était tue pendant longtemps s'est révélée à nouveau.

Quand elle ne raconte pas d'histoires ce qui est rare et que son esprit hyperproductif la laisse tranquille ce qui l'est encore plus , Véronique lit. C'est un réel besoin. J'achète des livres comme d'autres vont au cinéma. Elle aime aussi aller se ressourcer en Ardennes. Ma grand-mère y avait une maison. J'y retourne pour récupérer. Là, ce sont mes racines. D'ailleurs, beaucoup de mes histoires s'y passent.

Et puis, elle a son mari et ses trois petites filles de 10, 8 et 5 ans. Elles ont toutes les trois un rapport privilégié avec la parole. La plus grande a récemment raconté une histoire de plus de vingt minutes devant toute son école... L'art et l'amour de la parole seraient donc héréditaires ?·


Régions du lundi 17 février 2003
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2003

 

<< Index



Écrivez-moi

Presse 1